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Décarbonation
Devons-nous accorder plus d’attention aux zones périurbaines et rurales ?
Les discussions qui ont eu lieu lors du forum The Mobility Sphere à Bruxelles ont permis de mieux comprendre les problèmes de transport auxquels ces zones sont confrontées. Si la réduction de l’utilisation de la voiture individuelle est nécessaire et bienvenue dans les villes, une approche similaire dans les zones à faible densité de population ne peut fonctionner que si les habitants disposent d’alternatives crédibles en matière de transports publics.
La dépendance à la voiture
« Il y a des gens qui n’ont pas le choix dans leur mobilité quotidienne », explique Sébastien Bailleul, directeur des
relations institutionnelles et européennes chez Wimoov, association française dédiée à la mobilité inclusive. « Quand
il n’y a pas de transports publics, ils sont complètement dépendants de la voiture. » Cette dépendance peut
représenter une lourde charge financière pour les ménages à faible revenu, les alternatives individuelles telles que les
voitures électriques n’étant pas envisageables pour la plupart d’entre eux : « Les personnes qui peuvent acheter une voiture électrique ne sont pas celles qui doivent faire la navette tous les jours depuis la banlieue ».
« C’est un cercle vicieux. Les gens vivent loin du centre des villes ; ils n’ont pas beaucoup d’argent et n’ont pas de solutions. Ils ne peuvent pas se déplacer, donc ils ne peuvent pas trouver de travail », ajoute t-il.
Tenir compte des réalités locales
La première étape consiste à reconnaître que les zones périurbaines et rurales ont des besoins différents de ceux
des centres-villes. « Les communautés plus éloignées ou rurales seront touchées d’une manière très différente
qu’un environnement urbain », a fait remarquer Colin Scicluna, chef de cabinet de la vice-présidente de la
Commission européenne chargée de la Démocratie et de la Démographie. « C’est pourquoi nous devons adopter
une approche qui tienne compte des réalités du terrain et qui ne pose pas d’exigences déraisonnables ».
L’une de ces réalités est souvent l’absence de transports publics fiables, sûrs et fréquents. Jakop Dalunde, membre suédois de la Commission des Transports et du Tourisme du Parlement européen, a mis en garde contre le fait que les décideurs politiques des villes ignorent ce fait et adoptent une « position moralement supérieure » à l’égard des zones périurbaines et rurales. Celui qui a grandi dans le quartier branché de Södermalm à Stockholm ajoute : « J’ai toujours pu marcher, faire du vélo ou prendre le métro, il m’a donc été facile de participer à la transition verte de manière très naturelle. Mais pour beaucoup d’autres, vivre de manière plus durable est plus difficile. Nous devons être moins critiques et nous concentrer davantage sur la facilité d’utilisation des transports publics en dehors des villes. »
Le prix du changement
« Il est important d’écouter et de voir ce dont les gens ont besoin pour changer », a déclaré Jillian Van der Gaag, conseillère en politique publique pour la Ville d’Amsterdam, « en particulier pour les personnes qui ne peuvent pas se permettre de changer. »
Lorsque des transports publics abordables et fiables sont disponibles, « les gens peuvent tout à fait vivre sans voiture
dans un environnement rural », a observé M. Scicluna. Selon Dominique Riquet, spécialiste des transports
récemment retiré de la vie politique après une longue carrière en tant que membre du Parlement européen, un
bon système de transport public contribuerait également à réduire l’impact de l’écart financier entre les citadins et
les personnes vivant en périphérie. « Si vous vivez dans le centre de Paris ou de Londres, vous êtes probablement
riche et non pauvre », remarque M. Riquet. « Et si vous vivez dans une zone très périphérique, vous êtes probablement plus pauvre. »
« Mais si l’on facilitait l’accès aux villes depuis la périphérie, je choisirais probablement d’y vivre », a-t-il ajouté. « Plus nous résoudrons la question des réseaux en dehors des grandes villes, plus nous résoudrons les problèmes des très grandes villes elles-mêmes. »
Violeta Bulc, ancienne Commissaire européenne en charge des Transports, a déclaré que les décideurs politiques
devraient aider à développer ce qu’elle appelle des villages et des zones rurales « intelligents », impliquant de nouveaux emplois, des technologies vertes et des solutions de mobilité.