3 questions à François Durovray, Président du conseil départemental de l’Essonne, Président de la communauté d’agglomération Val d’Yerres Val de Seine
Vous avez été missionné par la Présidente d’Île-de-France Mobilités pour rendre d’ici fin mars un rapport portant sur la création d’un réseau francilien de cars express. C’est un enjeu majeur pour les 6 millions de Franciliens habitant la grande couronne afin de leur permettre d’accéder plus rapidement au réseau ferré ou aux futures gares du Grand Paris Express. Quelles sont vos ambitions pour un déploiement à court terme d’un tel réseau ?
La mission qui m’a été confiée par Valérie Pécresse s’inscrit dans le cadre du Plan Bus mis en œuvre par Île-de-France Mobilités pour cette mandature. La future offre de Cars Express a vocation à être coordonnée avec la desserte locale déjà opérée par les opérateurs de transports. Il ne s’agit ni plus ni moins que de créer un 4ème réseau de transport, après le métro qui dessert l’hypercentre, le réseau ferroviaire de longue distance et la desserte bus locale.
Le premier enjeu sera d’harmoniser les critères de qualité et de performance des lignes express par la définition d’un nouveau label Express renforcé qui s’appuiera sur quelques principes simples : une desserte rapide et fiable de longue portée, un niveau élevé de service à bord, une identité visuelle et commerciale propre. Ce label devrait voir le jour dans les prochains mois.
Le futur réseau de cars express a vocation à se déployer par étapes au cours des 10 prochaines années, soit à l’horizon du Grand Paris Express (GPE), en priorisant dans un premier temps les lignes qui peuvent être mises en œuvre dans les conditions du réseau d’infrastructures existant. Je pense qu’il faudra notamment cibler la desserte de certaines gares RER et Transilien structurantes telles que Saint-Quentin-en-Yvelines, Cergy, Meaux ou encore Melun.
Dans un second temps nous devrons décider des lignes à déployer avec l’ouverture des gares du GPE, ainsi que les aménagements de voirie nécessaires, en particulier la réalisation de voies réservées, pour accroître et sécuriser la performance de l’offre.
J’ai identifié une centaine de liaisons potentielles, qui appellent à une analyse de pertinence socio-économique et de performance. Au regard de ces critères il est raisonnable de penser qu’il sera possible de créer 40 à 50 nouvelles lignes de cars express et 20 à 30 nouveaux pôles d’échanges multimodaux routiers en Grande Couronne afin de répondre aux enjeux de désenclavement de certains territoires. Tout cela sans oublier l’aménagement des gares ferroviaires existantes pour assurer la connexion entre le rail et la route, qui sera du ressort de la SGP, de SNCF Réseau et de la Région.
Le futur réseau de cars express a vocation à se déployer par étapes au cours des 10 prochaines années, soit à l'horizon du Grand Paris Express.
François Durovray
La gestion de l’intermodalité est une dimension clé du sujet des lignes Express. Aujourd’hui il n’existe que 30 000 places de parking aux alentours des gares (très peu autour des futures gares du GPE), pour 3 millions de voitures en Île-de-France. Comment adresser cet impératif de développement des parkings relais et de quels exemples en France et à l’international pourrions-nous nous inspirer ?
Pour être utile et performant le réseau de transport francilien doit être pensé dans une logique multimodale où les différents modes s’imbriquent de façon complémentaire afin de maximiser l’utilité de l’offre de transports publics. Mais pour que celui-ci soit attractif, en particulier par rapport à la voiture individuelle, les déplacements des usagers doivent être « sans couture ». Ils doivent être simples, faciles. Dans la multimodalité l’obstacle majeure c’est la rupture de charge.
Voilà pourquoi l’intermodalité doit être traitée avec beaucoup d’attention. Aujourd’hui le compte n’y est pas, que ce soit pour les places de parking mais également les emports bus des gares routières. L’aménagement du GPE par exemple, est l’un des principaux défis identifiés dans le rapport. Le futur métro a été imaginé dans une dimension uniquement ferroviaire, sans anticiper la connexion aux transports routiers. C’est un défaut originel qu’il est encore temps et nécessaire de corriger. La performance économique du futur réseau dépend largement de sa fréquentation, et nous savons que l’équilibre socio-économique de certaines lignes reste encore fragile. Le futur réseau de cars express permettra de rabattre plus massivement les usagers vers les réseaux du GPE.
J’identifie trois priorités d’action à court et moyen terme. Tout d’abord nous devons identifier les gares ferroviaires de rabattement en entrée de métropole, aussi bien les gares existantes du réseau RER et Transilien, que les futures gares du GPE, pour concentrer les flux et optimiser la gestion de l’espace. Concernant le GPE, Île-de-France Mobilités et la Société du Grand Paris doivent améliorer leur coordination et fluidifier le partage d’information qui font défaut jusqu’à présent.
Ensuite, il nous faut, avec Île-de-France Mobilités et en lien avec les collectivités, planifier l’implantation et l’aménagement des futures gares routières au départ de la grande couronne afin de dégager les espaces disponibles pour implanter des parkings et stationnements vélos. La mise en œuvre progressive du Zéro Artificialisation Net (ZAN) pose un certain nombre de questions et la réalisation du futur réseau de cars express devra se faire dans le respect des engagements environnementaux portés par les collectivités locales.
Enfin, pour être attractifs, les gares et les futures pôles multimodaux devront apporter de la valeur ajoutée au parcours des usagers. Nous pourrons y développer des services aux usagers tels que des commerces, des bornes de recharge, des stationnements vélo, et bien sûr des espaces d’attente confortables et une information voyageurs de qualité, à l’instar de ce qui a été fait sur le réseau madrilène.
Ces aménagements ont un coût, estimé à 5 ou 6 millions d’euros par gare en fonction de leurs spécificités, qu’il faudra financer. A ce stade, j’identifie deux leviers mobilisables à court terme : le prochain CPER qui devra sanctuariser une ligne budgétaire dédiée aux pôles multimodaux et aux aménagements routiers, et la Taxe Spéciale d’Equipement, qui pourrait être mobilisée pour le financement du réseau de cars express.
Pour que le réseau de transport soit attractif, les déplacements des usagers doivent être sans couture.
François Durovray
3 enjeux sont souvent cités dans le cadre de ce projet : écologique (diminution des émissions), économique (pouvoir d’achat), démocratique (droit à la mobilité). Selon vous, en quoi le déploiement de ces lignes express va adresser ces enjeux ?
En terme d’émissions de gaz à effet de serre, le car constitue la solution la plus efficace en terme de tonnes de CO2 évitées, la plus équitable pour les usagers et les territoires car accessible à tous et la plus efficiente au regard des investissements requis.
Les futures lignes de cars express proposeront une alternative concrète et moins chère à la voiture individuelle pour des milliers d’usagers qui restent captifs de l’automobile faute d’une offre de transport collectif suffisamment performante et accessible.
Ce futur réseau permettra de relier entre elles les centralités de grande couronne tout en allant chercher les usagers les plus éloignées dans les territoires plus denses. En transformant le réseau routier de façon stratégique, nous réussirons à amener les usagers plus rapidement au cœur de la métropole par une connexion efficace avec les réseaux ferrés. En massifiant les flux et en encourageant le report modal vers les cars nous pouvons espérer avoir un impact visible sur la congestion et les émissions de gaz à effet de serre.
Pour être une réussite l’offre de cars express devra proposer aux automobilistes une alternative attractive à la voiture. Cela passe par la performance – arriver plus rapidement à destination – mais également par la qualité de l’offre à bord. Les cars offrent l’opportunité de faire du déplacement un temps utile – pour travailler ou se divertir – plutôt qu’un temps contraint.
Enfin, c’est un réseau de transport qui pourra se déployer rapidement car il ne nécessite pas d’infrastructure nouvelle, c’est un autre avantage environnemental. La route est déjà financée et entretenue, et si des aménagements seront à étudier pour accroitre la performance de l’offre express, ils ne constituent pas un prérequis au déploiement des lignes.
C’est donc une réponse concrète aux enjeux d’aménagement et de cohésion du territoire francilien.