Thierry Mallet, PDG Transdev : soutien transports publics en Europe

07.05.2020
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Depuis le début de la crise sanitaire, la fréquentation des transports publics s’est logiquement effondrée partout en Europe avec la mise en place du confinement ; selon l’UITP, la réduction de la fréquentation dans certaines villes européennes atteint plus de 85%.

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    Pour autant, qu’ils soient assurés par des entreprises publiques ou privées, les transports publics n’ont pas baissé les bras. Sur les rails comme dans les réseaux urbains et interurbains, les personnels sont restés admirablement mobilisés pour assurer la continuité des services publics de transport.

    En France, les transports publics, comme le transport aérien, se sont mis à disposition du front sanitaire, en déplaçant des malades vers les hôpitaux les moins chargés, ou à l’inverse des équipes sanitaires des régions les moins touchées vers le Grand Est ou la Région parisienne.

    Les TGV sanitaires s’inscriront dans l’Histoire de cette période, et de nombreux cars sanitaires et de transport d’équipes médicales ont également pris leur part de cette mobilisation exceptionnelle.

    Mais les transports publics, en particulier les réseaux urbains, sortent gravement fragilisés de cette période.

    Leurs coûts fixes sont tels que l’effondrement de leur fréquentation, ainsi que celui du versement transport en France avec le développement massif du chômage partiel, place les collectivités locales en charge des réseaux et leurs exploitants devant un effet de ciseau financier redoutable. La part de la recette passager représente en moyenne 32% des dépenses d’exploitation en France. Ce ratio est plus élevé dans d’autres pays européens comme les Pays-Bas, la République tchèque, l’Allemagne ou la Suède où il dépasse les 50%.

    Les transports publics en première ligne sanitaire du déconfinement

    Pourtant les transports publics, en particulier les réseaux urbains vont se trouver au cœur des défis du déconfinement.

    C’est leur vocation même, et leurs modèles économiques, basés sur la massification des trafics pour éviter les congestions automobiles des villes, qui sont pris à contrepied par la crise sanitaire que nous traversons. Chaque jour en temps normal, un Européen sur cinq emprunte les transports publics. En Europe, 35% des trajets domicile-travail s’effectuent en transports publics ; ce chiffre est même plus élevé pour les grandes métropoles – en Île-de-France, la part du transport public atteint même 65% dans la partie centrale.

    La sécurité sanitaire des usagers et des personnels constitue l’enjeu prioritaire du déconfinement dans les transports publics et déplace en leur sein une part essentiel de l’enjeu sanitaire de la Nation dans les prochains mois.

    La période de sortie du confinement et de reprise de l’activité ne sera malheureusement pas un « retour à la normale » pour le transport public.

    Les recettes resteront inférieures du fait d’une moindre fréquentation liée à une reprise progressive des activités économiques ; les coûts resteront significativement plus élevés avec la nécessité de proposer une offre capacitaire suffisante pour maintenir des distances barrières acceptables, y compris avec le port des masques obligatoires pour tous, et la poursuite des actions de protection des personnels, de désinfection quotidienne, d’information qui vont nécessiter des investissements en personnels et en matériel supplémentaires.

    Cette situation financière critique va mettre l’ensemble des réseaux de transports publics dans des situations très difficiles et encore pour plusieurs mois.

    Éviter le retour massif de l’automobile dans les villes

    Les incertitudes qui entourent encore la connaissance du virus et ses traitements, comme sans doute une méfiance durable des citoyens pour la promiscuité, risquent de susciter un retour massif à l’automobile et à l’autosolisme pour les déplacements indispensables, notamment domicile travail à l’heure de pointe.

    C’est le second défi de cette crise : éviter un retour des congestions automobiles avec leur cortège de pollutions, de perte de temps et de dégradation de la qualité de vie.

    Si nous devons gérer l’urgence sanitaire, nous devons aussi anticiper des mesures et des investissements de nature à éviter que le déconfinement ne contrarie nos efforts de lutte contre les nuisances environnementales et le réchauffement climatique.

    C’est maintenant qu’il faut envisager des dispositions de maintien d’un niveau élevé de télétravail, d’étalement des horaires d’ouverture des écoles, des services publics et des entreprises, le déploiement d’offres de Transport Publics complémentaires en périphérie pour décongestionner les principaux axes et la mise à disposition de vélos à assistance électrique dans les cœurs de villes.

    Vides de leurs trafics habituels jusqu’au déconfinement, autoroutes et cœurs de ville sont disponibles pour imaginer et organiser sans attendre ces nouveaux services.

    Ces solutions ne règleront pas tout, mais il serait inconséquent de ne pas les explorer et de livrer nos villes à de nouveaux capharnaüms automobiles.

    Éviter le collapsus financier du secteur des transports publics

    Le secteur des transports publics fait face à une remise en cause durable de son modèle économique ; dans le même temps, les donneurs d’ordre et les financeurs habituels que sont et les collectivités locales et leur autorités organisatrices de mobilité sont également frappées par la crise. Elles souffriront elles aussi de baisses de recettes fiscales ou d’une aggravation de leurs coûts pour soutenir les populations.

    Quel chemin pourront-elles alors emprunter ? Les collectivités auront-elles encore les moyens de d’étendre leurservices dans ces zones périphériques et rurales qui seront frappées par la crise économique et sociale à venir ? Souhaiteront-elles décaler les investissements dans des flottes “propres” ?

    Il apparaît aujourd’hui de plus en plus indispensable que la Commission européenne mette en place de façon urgente un fonds de soutien à l’activité des transports publics eu Europe. Ce fonds, peut-être hébergé dans les fonds européens aux régions et collectivités, permettra aux opérateurs de continuer à fonctionner pendant la crise, mais pourra aussi servir de catalyseur à la croissance économique une fois que la pandémie se sera calmée et que le pouls des pays européens recommencera à battre.

    De tels moyens sont d’ores et déjà mis en place dans plusieurs zones géographiques. Aux États-Unis, le fonds de protection contre le coronavirus va dédier au transport public 25 milliards de dollars. La seule autorité new-yorkaise, la Metropolitan Transportation Authority, particulièrement touchée par la crise, recevra 4 milliards de dollars de financement.

    Au Royaume-Uni, dans le cadre des mesures d’urgence annoncées par le ministère des Transports, un plan massif de soutien aux transports publics (train et bus) a été mis en place afin d’assurer la continuité de service des opérateurs de transports.

    Ce fonds spécial de soutien à l’activité des transports publics destiné à adapter les modèles économiques aux graves nécessités de la pandémie est cohérent avec les ambitions du Green Deal. Le cœur du projet européen, c’est la liberté de circuler des marchandises et des personnes.

    Chaque jour en temps normal, un Européen sur cinq emprunte les transports publics. Les législations les plus récentes comme la LOM en France, permettent de mieux mailler l’offre de transport et, plus généralement, de mobilité sur le territoire. Chacun doit en effet pouvoir bénéficier d’une offre de qualité partout : cet objectif, à un moment où les territoires périphériques et ruraux risquent d’être les plus touchés par la crise du coronavirus, devient encore plus nécessaire au nom de la solidarité collective et afin de bâtir une société plus harmonieuse et plus durable.

    Le « Green Deal » doit rester la priorité de l’UE. Il est fait de mobilité durable. Rappelons-nous que, selon l’Agence européenne pour l’environnement, 96% des citoyens de l’UE vivant dans les zones urbaines sont encore exposés à des niveaux nocifs pour la santé de polluants atmosphériques. Et que le coût environnemental des transports au sens large est estimé à plusieurs centaines de milliards d’euros par an. La fin du confinement ne peut aboutir à un abandon des politiques en faveur des mobilités douces et collectives et du report modal. En soutenant le transport public, l’UE participera au retour de la confiance du citoyen-voyageur envers les modes de transport propres.

    Thierry Mallet
    Président-directeur général Groupe